Éveil / Formation: quelle dialectique?

A la question, qu’est ce que l’éveil musical, Cristina Agosti- Gherban[1] répond: « C’est une ouverture au monde sonore. Pour moi, ce n’est pas juste une initiation. C’est une démarche, presque une philosophie de la musique qui évolue selon les personnes, le temps, l’instrument que l’on pratique… Souvent, on fait de l’éveil musical avant 6 ans et ensuite, on passe « aux choses sérieuses », à la lecture des notes et à la pratique de l’instrument. Mais moi, je travaille aussi avec des groupes d’instrumentistes en adaptant les jeux que je fais avec les plus petits. C’est important parce quand un enfant apprend un instrument, il est considéré comme interprète, pas comme créateur. Dans les autres arts (peinture, modelage), on trouve normal d’inventer des choses. Alors qu’en musique, l’improvisation est « réservée » à ceux qui savent déjà très bien jouer. Je connais des grands concertistes qui sont complètement perdus sans leur partition et qui ne savent pas inventer trois notes ! Or, savoir improviser, jouer en se promenant, oublier pendant un temps les consignes, tout cela permet d’être plus libre avec son instrument. » (Propos recueillis par Natacha Czerwinski[2]).

L’éveil participe d’une formation ouverte aux mondes sonores les plus divers. Il n’est ni un préalable à une formation hyper spécialisée ou commenceraient « les choses sérieuses » ni une formation au rabais faite de « petits jeux sympa mais pas exigeants ». C’est une formation à la fois socle et transversale sur laquelle peuvent se construire les expérimentations les plus diverses permettant à l’apprenant de nourrir son parcours et d’affiner ses choix. En ce sens, l’éveil devrait accompagner les musiciens apprenant tout au long de leur formation. Et pour chacun d’entre nous, rester en éveil dans notre parcours musical est le garant de rencontres et d’expériences nous aidant à redéfinir et élargir régulièrement ce qui fait musique.

« On apprend aux enfants à dessiner d’après modèle ou d’imagination : de la même façon, ceux qui pratiquent la musique devraient savoir jouer d’après modèle (exécuter des partitions) ou d’après leur imagination (réaliser leur propre musique) » Jeux Musicaux Guy Reibel page 22 Salabert, Paris 1984.

La problématique est la même quelque soit l’univers musical dans lequel l’apprenant se spécialise. Ainsi des musiques traditionnelles qui sont à plusieurs titres objets à éveil permanent:

  • Elles sont à même de développer le goût du son, l’attention portée à la matière sonore. La richesse et la diversité des timbres, des choix ornementaux, la variété dans les possibilités d’interprétations en regard de la variété des sources… Tout cela est à même de développer une écoute active amenant le musicien à se construire des palettes sonores personnelles. Ce goût du son peut être cultivé et diversifié par des situations d’explorations, d’expérimentations puisant dans les recherches des musiques contemporaines.
  • Elles se prêtent de nos jours au jeu collectif « en groupe ». Cette pratique issue de la grande famille des musiques actuelles est d’abord exploratoire. Les membres de tous groupes sont confrontés à la question: « comment allons nous nous organiser? » Et chacun de proposer d’expérimenter des orchestrations, arrangements qui évoluent au fil des rencontres jusqu’à arriver à un résultat qui rencontre l’assentiment général. Cette recherche peut s’expérimenter plus largement par des situations mettant en avant la voix sous toutes ses formes, instrument dont dispose tout le monde et qui ne nécessite pas obligatoirement un long apprentissage. Trois exemples avec des musicien.ne.s qui ont en eux de nombreuses expériences de jeux, d’explorations et qui sont imprégné.e.s de leurs univers musicaux.
  • Elles nous renvoient, à des degrés très différents selon les sources, à la variabilité. Il n’est pas question ici d’œuvre, concept lié au développement des musiques écrites et donc d’un modèle reproductible en l’état, mais d’objets musicaux doués de plasticité. Celle-ci est liée pour partie à la temporalité de ces mélodies: elles n’existent que dans le moment de leur production et sont l’expression du musicien dans ce temps T. Et chaque production est une recréation pour le musicien. Ce phénomène inscrit dans les anciennes sociétés de tradition orale nous est étranger: nous avons grandit dans une société de la technologie, de l’analyse, de la création rupture. Au pédagogue de puiser dans des situations d’improvisations variées (improvisation libre, sur basse, sur grille harmonique, sur échelle pentatonique…) afin de développer chez l’apprenant le goût de la variation.

Les enseignants musicaux, qu’ils soient du domaine associatif ou institutionnel, ont beaucoup à apprendre des intervenants en milieu scolaire. Ils partagent en fait le cœur d’un métier commun: proposer aux musiciens apprenants des situations de musique ouvertes, sources de formation et d’émancipation. La spécialisation sur un instrument, un répertoire et une culture donnés ne pourra qu’en sortir fortifiée par cette mise en perspective sonore globale.


Quelques exemples de formation musicale (au sens de « former un musicien ») par des dispositifs d’explorations, d’improvisations, menant ou non à des créations, compositions collaboratives. Ils cherchent à développer l’écoute, l’imaginaire, la capacité à bâtir collectivement.


Après exploration vocale, deux groupes interprètent leurs créations sur le début de la fable « le corbeau et le renard ». Ils ont mémorisé leur invention. Mais elle est toute fraiche: le « chef d’orchestre » est là pour synchroniser les interventions. Une partition graphique réalisée collectivement va l’y aider.

Deux autres exemples de « Mots à Moudre », pratique que j’ai adapté des concepts développés par Alain Savouret dans son ouvrage: Introduction à un solfège de l’audible – L’improvisation libre comme outil pratique – https://symetrie.com/fr/titres/introduction-a-un-solfege-de-l-audible


Un travail en trois temps sur la création collective d’un paysage sonore: le déroulé est explicité dans les vidéos.


Un jeu vocal extrait du DVD avec livret de Guy Reibel: « le jeu vocal  » https://www.artchipel.net/produit/dvd-le-jeu-vocal-guy-reibel/


La dernière séance d’une séquence qui est présentée plus en détail sur ce même blog: « se mettre en invention: le chat ouvrit les yeux ».

De nombreux exemples de vidéos sont disponibles sur Internet. Je vous suggère le site de Musik kreativ+ et cette page parmi d’autres: https://musik-kreativ-plus.eu/fr/teaching-modules/impulsions-voix-corps-corps-sonores-instruments/element-3-exploration-experimentation-et-corps-sonores/ avec de nombreuses vidéos.

Et pour rappel, l’excellent DVD (téléchargeable) avec livret de Guy Reibel: « le jeu vocal ». Quelques extraits dans cette vidéo:

[1] Cristina Agosti-Gherban, Professeur d’éveil musical et de musique d’ensemble au Conservatoire à Rayonnement Départemental du Blanc-Mesnil

[2] Extrait d’un article disponible sur : http://les-amis-de-la-yourte.over-blog.com/article-eveil-musical-en-quoi-la-musique-leur-permet-elle-de-s-epanouir-38364234.html

Quel musicien souhaitons-nous former ? La place de l’improvisation.

Être musicien aujourd’hui demande de multiples compétences :

  • Savoir interpréter ;
  • Savoir improviser ;
  • Savoir créer ;
  • Savoir jouer en orchestre ;
  • Savoir jouer en groupe ;
  • Savoir se placer sur une scène, se déplacer ;
  • Savoir travailler avec un microphone, la lumière ;
  • Savoir utiliser les possibilités d’Internet ;

Et bien sûr maitriser au mieux sa spécialité tout en sachant aller à la rencontre d’autres esthétiques, d’autres pratiques. Et savoir créer ou participer à des projets collectifs, sur son lieu de vie et au-delà.

Le métier évolue de plus en plus vers ce profil à la fois passionnant et complexe. L’enseignant doit donc prendre en compte cette réalité et mettre en place une formation adaptée. Celle-ci visera à former un musicien :

  • Autonome car capable de prendre en main des situations variées, de nouveaux apprentissages ;
  • Emancipé car capable de faire des choix artistiques et humains en toute conscience.

L’enseignant transmet sa spécialité et par ailleurs propose des situations pédagogiques permettant à l’élève d’exercer son autonomie, d’apprendre à apprendre.

Suite à plusieurs formations aux improvisations, j’ai décidé d’intégrer ces expériences dans mes cours. J’ai eu la chance de pratiquer l’improvisation libre (ou générative) avec Alain Savouret, compositeur et pédagogue[1] ainsi que l’improvisation sur basse obstinée avec Christine, ma collègue en musiques anciennes et l’improvisation sur grille harmonique avec Olivier, mon collègue en jazz, tous les deux du conservatoire où je travaillais.

Je ne suis pas un spécialiste de ces improvisations mais je les pratique suffisamment pour proposer des règles de jeu ouvertes aux élèves : après s’être exercés, je leurs propose une règle de jeu de départ et un objectif qu’ils doivent réaliser en autonomie. A eux de mettre cela en place collectivement. Je m’absente parfois de la salle pendant 10 à 15 minutes afin qu’ils fassent des essais. Je reviens régulièrement pour aider si c’est nécessaire. Je leurs demande aussi de travailler en deux ou trois groupes sur la même règle de jeu puis de se présenter leurs réalisations à l’un l’autre et d’en discuter.

Les cours se sont transformés peu à peu en ateliers, lieux remplis d’outils et de matières issus en partie des expériences de chacun et du travail collectif de tous.

Les objectifs généraux que je cherche à développer ainsi sont de former un musicien autonome et émancipé comme précisé dans la première moitié de l’article. C’est un chantier qui n’est jamais terminé 😉

Je vous propose quelques exemples vidéos ou sonores pour tenter d’illustrer cela.

(Ces vidéos sont déjà présentes sur le site mais elles sont réunies autour du thème de cet article.)


[1] http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/savouret-alain-1942

https://symetrie.com/fr/titres/introduction-a-un-solfege-de-l-audible

Les collecteurs au 19ème siècle 

Le regard des lettrés sur le folklore du domaine français

Vidéo Conférence Débats pour mieux connaitre ceux qui nous ont précédé, ont ouvert des chemins, ont laissé des empreintes qui marquent encore le présent.

Onomatopées et mots à moudre

Le plaisir d’explorer et d’apprendre en collectif

Voici quelques exemples enregistrés lors de journées de formation avec des enseignants en conservatoire. Il s’agit à chaque fois d’une journée de 6h00 (voir PDF en fin d’article) pendant laquelle nous abordons chants à danser en rond, chants par onomatopées, mots à moudre… le tout dans le but de s’imprégner de pulsations et de rythmes par la voix, le corps ; par le chant et la danse.

1- Trois exemples de premières réalisations. Chaque petit groupe danse en rond sur un pas de branle double et chante par onomatopées sur la pulsation du pas.

Dans ce 3e exemple, les participants lâchent davantage la bride et musicalisent les onomatopées. Ils terminent par des claquements de mains, toujours en dansant.

2- Deux exemples de réalisations en deux groupes. Un groupe danse et chante par onomatopées en QR. L’autre groupe chante en mots à moudre une interprétation du début de la fable « le corbeau et le renard ».

Dans le second exemple, après l’exposition tutti d’une phrase refrain, chaque danseur interprète en solo une cellule d’onomatopées de son choix en musicalisant en fonction du ressenti lié à l’écoute des productions sonores de l’autre groupe. Puis le groupe termine en tutti sur la phrase exposée une fois au début. L’autre groupe a choisi le début du texte :

Accro de la manette, joueur du dimanche, Chasseur de perles méconnues, Ou nostalgique des gros pixels de l’enfance ?

Le Monde, N° du 26 novembre 2018

3- Un groupe danse et interprète sa composition sur « Maitre corbeau ». Un début de jeu de rôle apparait par des questions doublées de mimiques.

4- Deux exemples d’interprétations de polyrythmies écrites puis lues avec les cartes d’onomatopées.

Voici les présentations de ces formations :

Se mettre en invention: « Le chat ouvrit les yeux »

5e séance

Rappel : cette séquence d’invention autour des mots à moudre s’insère dans un atelier d’une heure qui combine danses chantées (en rond, à figures, en couple avec figures – à cet âge, je parle plutôt de duos) ; jeux d’énergie ; mots à moudre. Le tout dans des mobilisations variées du corps et de la voix. Je vous invite à vous reporter à http://pedagogie-des-musiques-traditionnelles.fr/?p=139 pour resituer ce contexte.

Les deux autres catégories, danses chantées et jeux d’énergie, se déroulent en grand groupe et sont sujettes à auto-évaluations collectives. Le travail sur les mots à moudre renvoie davantage sur des petits groupes. Je n’y développe pas d’évaluations en grand groupe pour des raisons de temps et de pratique de cela dans les autres activités. C’est évidemment discutable.

La vidéo suivante est une séquence intégrale de 16 minutes. J’y ai inséré des commentaires.

A suivre…

Se mettre en invention: « Le chat ouvrit les yeux »

1ere séquence

1 – Préambule

Je commencerai cet article en citant des extraits du livre de François Delalande : « La musique est un jeu d’enfant » »INA-GRM Buchet Chastel 1984

« Qu’est-ce que faire de la musique ? … Je crois qu’il y a essentiellement trois dimensions de la musique qu’on est en mesure de développer. (Page 14)

  • Le goût du son :

D’abord tout simplement un goût du son – c’est une première qualité du musicien – une certaine sensualité de la sonorité qui s’accompagne d’une habileté à l’obtenir sur un instrument. Car savoir-faire et savoir entendre sont ici une seule même compétence ». (Page 14)

  • La dimension imaginaire :

Pour (les individus qui se réunissent) eux, les sons prennent un sens, ils peuvent évoquer des états affectifs ou avoir une valeur symbolique dans leur société ou bien donner naissance à des images… il y a une dimension imaginaire de la musique à laquelle il faut être sensible sans quoi la musique, à proprement parler, ne vous dit rien. (Page 14).

  • L’organisation :

Et enfin, à ces deux niveaux d’analyse, s’en ajoute un troisième, celui de l’organisation. D’abord s’organiser entre musiciens lorsqu’on joue des parties à plusieurs, mais surtout agencer des parties ensemble, se débrouiller pour qu’un thème joué par un instrument soit repris par un autre. (Page 14).

Vous remarquerez que je ne sépare pas, dans cette analyse en trois couches de la pratique musicale, ce qui a trait à la production de musique de ce qui concerne sa réception. Les musiciens, qu’ils fassent ou qu’ils écoutent, ont en commun ces trois grandes capacités d’être sensibles aux sons, d’y trouver une signification et de jouir de leur organisation. (Page 15).

Ces trois points de vue… ne constituent pas une définition de la musique mais des aptitudes du musicien. Je ferai… une distinction essentielle entre savoir la musique et être musicien. Ce sont deux objectifs complètement différents que de transmettre un savoir ou de développer une sensibilité. » (Page 15).

On sera amené à donner une certaine compétence, non pas une connaissance très spécifique d’un système de notation ou d’une technique instrumentale mais une habitude d’écouter plusieurs interventions simultanées, une maitrise du geste, un sens de la forme. Je ne sais pas si c’est tellement un savoir qu’un savoir-faire ou « savoir entendre »…

(À propos de musiciens de cultures différentes) Ce n’est pas le savoir qui les rapproche – au contraire leurs cultures sont complètement différentes – mais c’est leur conduite. On a beaucoup pratiqué une pédagogie exclusive de notre culture musicale, je pense qu’il faut maintenant proposer une pédagogie des conduites. (Page 16). »

J’ai eu la chance de participer plusieurs années de suite à des ateliers d’improvisation libre[1] organisés par l’ENMD de Calais (actuellement CRD du Calaisis) sous l’impulsion de Jean-Robert Lay, alors directeur. Plusieurs intervenants se sont succédés et ont fait éclore des pistes de travail que je parcours encore aujourd’hui. L’un d’entre eux, Alain Savouret, nous a ouvert aux pratiques des « mots à moudre »[2]. J’en parle déjà dans un article de ce blog http://pedagogie-des-musiques-traditionnelles.fr/?p=139 auquel je vous renvoie. Il vous permettra également de mettre la séquence ici présentée dans le contexte plus global de l’atelier CHAM de classe de 6eme que je prenais en charge chaque année. J’ai relié les pratiques des mots à moudre à cette pédagogie des conduites qu’évoque François Delalande : mettre en situation d’expérimentation des musiciens, néophytes ou pas, en leurs ouvrant un large champ de possibles délimités par des règles de jeux élastiques. L’élasticité étant soumise à la seule volonté affirmée et démontrée des participants. Une règle peut évoluer si cette évolution est le fruit d’expérimentations au sein du collectif et que ce dernier se les approprie.


[1] Des musiciens parfois d’horizons stylistiques divers se retrouvent un jour j pour inventer à partir d’un instant t une musique qui sera, ou mieux, ne sera que celle du moment, du lieu, des personnes présentes (actantes ou non). « Enseigner l’improvisation ? Entretien avec Alain Savouret » https://journals.openedition.org/traces/4626

[2] Introduction à un solfège de l’audible : l’improvisation libre comme outil pratique. Alain Savouret. 2010 Ed. Symétrie

2 – Produire, inventer ensemble, faire musique par des conduites communes

2.1        Un vocabulaire commun

Je mets en jeu les mots à moudre dans des séquences d’improvisations nourries d’un premier vocabulaire sonore proposé aux musiciens apprenants. Je les encourage ensuite à proposer leurs propres moutures à la condition qu’ils puissent la reproduire et donc l’engranger dans leur répertoire.

Pour rappel de l’article paru en 2016, je propose d’explorer parmi les possibilités suivantes :

  • Chuchoté. Bien marquer l’intention et bien articuler ;
  • Chuchoté avec des durées longues sur les voyelles lorsqu’on le désire;
  • Parlé libre et lent sans pulsation ;
  • Parlé libre et rapide sans pulsation ;
  • Parlé libre avec voyelles longues lorsqu’on le désire;
  • Attaques abruptes sur débits libres : p, b, t, d, k ;
  • Attaques molles sur débits libres : m, n ;
  • Sons complexes, bruiteux : sss, chhh, rrr
  • Sforzando : contraction dynamique de l’attaque molle ;

Il est important d’être précis dans la production et la reproduction. Ce vocabulaire est le « langage » partagé par tous qui va permettre d’inventer des structures musicales par la suite. Afin d’affirmer la qualité du son dans son enveloppe (forme) et sa masse (matière), je relie systématiquement la production sonore vocale à une gestuelle dynamique, imagée.

2.2        Mise en musique d’un poème

Je propose au groupe un poème de Maurice Carême : le chat et le soleil

Le chat ouvrit les yeux, Le soleil y entra.

Le chat ferma les yeux, Le soleil y resta,

Voilà pourquoi, le soir, Quand le chat se réveille,

J’aperçois dans le noir, Deux morceaux de soleil.

Dans cette première séquence, présentée dans la vidéo qui suit, je demande aux enfants d’interpréter une version déjà fixée de la 1ere proposition (le chat ouvrit les yeux). Cette séquence a pour principal objectif de mettre la qualité nécessaire des performances individuelles au service de la qualité de la réalisation collective. C’est aussi l’occasion d’encourager chacun à exprimer son avis sur la performance réalisée, de faire d’éventuelles propositions… donc de faire en sorte qu’il y ait peu à peu une appropriation des enjeux et de la pièce musicale. Enfin, certains sont plus agités, d’autres plus timides et plus en retrait. Ce type de projet, couplé à des moments de chants à danser et de jeux brise-glace permet, peu à peu, une participation plus partagée avec les autres.

Les enfants devront par la suite inventer, composer une mise en musique du poème entier, puis l’interpréter. Mais c’est une histoire que vous découvrirez au fil des chapitres suivants.

A suivre…

Mémoire de fin d’études en conservatoire : quels objectifs ?

Cet article traitera plus spécifiquement du mémoire dans un cursus en musiques traditionnelles. Mais je pense que sous certains aspects il peut concerner d’autres pratiques.

1.      Le cadre

J’ai dû définir ce que j’attendais d’un tel travail lorsqu’un premier élève s’est manifesté pour entreprendre des études longues de 3e cycle et passer son DEM (et plus tard DNOP) ! Enseignant les musiques traditionnelles du Berry et la musette du même nom, j’ai d’abord cherché à mettre en place un travail sur ces univers culturels et musicaux. Très vite, l’éloignement du terrain, Calais est à près de 600 km de Châteauroux, m’a dissuadé de prendre cette voie : je ne pouvais imaginer une telle recherche sans aller rencontrer des acteurs locaux concernés par le sujet d’étude.

Le Berry posait trop de problèmes de distances et donc d’argent. Et ce fût une chance ! Cela m’aida à me décentrer de l’objet « musette ». Ce mémoire ne devait pas être obligatoirement dédié à l’instrument pratiqué par l’étudiant collecteur.

Je repensais à d’anciennes collectes auxquelles j’avais participé. Il m’en était resté des souvenirs de rencontres avec des personnes – des personnages – riches d’expériences, de récits, de pratiques. Des connaissances s’en étaient suivies mais ce sont ces rencontres qui me revenaient d’abord en mémoire. Elles donnaient un fort relief aux savoirs associés. Il me sembla alors qu’il serait primordial à des musiciens apprenants, désireux de se tourner vers une profession de musique, de pouvoir vivre ce bain d’humanité porteur de pratiques de traditions.

Je retenais alors les critères suivants :

  • Le sujet choisi devait être situé dans la région Nord Pas de Calais (à l’époque) afin de rendre les déplacements possibles, et dans le temps et pour les finances ;
  • Le sujet choisi devait correspondre à une tradition vivante et partagée par une communauté suffisamment importante pour qu’il y ait de nombreuses possibilités de témoignages et donc de rencontres ;
  • Il fallait enfin que le sujet choisi permette la réalisation d’un vidéogramme mettant en scène le « reportage » effectué par le collecteur.

Je retenais ensuite quelques exemples forts dans la région, à savoir :

  • Le carnaval de Dunkerque ;
  • Le carnaval de Cassel ;
  • Les fêtes de Gayant de Douai ;
  • Les guénels de noël à Boulogne sur Mer ;
  • Le carnaval de Bailleul…

2.      Les prérequis

Il était hors de question que le collecteur en devenir soit lancé sur le terrain sans une formation au préalable. Les études de 3e cycle long, devenues par la suite CEPI, se déroulent sur 750 heures réparties généralement sur 3 ans (voir le détail en fin de cet article : http://pedagogie-des-musiques-traditionnelles.fr/?p=336 ). Avant de se lancer dans l’aventure de ce mémoire, le musicien apprenant suit les modules suivants :

Sources patrimoniales : mises en perspectives

  • Initiation à l’organologie et découverte générale de quelques grandes aires culturelles à travers l’Europe, l’Afrique et l’Asie en reliant organologie et pratiques socioculturelles des acteurs en présence ;
  • Les musiques traditionnelles d’Europe à travers le prisme de la cornemuse ;
  • Les pratiques musicales en Berry : pratiques de traditions populaires et naissance du mouvement folklorique.

Sources patrimoniales : écoute et analyse

  • Développer une analyse musicale s’appuyant sur des catégories pertinentes ;
  • Relier l’écoute aux éléments de connaissances fonctionnelles : pourquoi cette musique et cette pratique dans cette société, à ce moment-là ?

Du folklore à l’ethnomusicologie :

  • L’histoire du mouvement des collecteurs et des folkloristes. Les grandes collectes du XIXe siècle. De l’académie celtique au décret Fortoul. Le regard des lettrés sur les pratiques culturelles paysannes. Le cas du Berry ;
  • Formation de nos chansons folkloriques : Patrice Coirault ;
  • Du folklore à l’ethnographie : Arnold Van Gennep. Rites de passages et cycle des saisons ;
  • Les âges de la danse : Jean-Michel et Yves Guilcher ;
  • Initiation à la perspective ethnomusicologique à travers, entre autres, les travaux en Bourbonnais de Jean-François Chassaing et en Aubrac du CNRS dans le cadre de la RCP.

3.      Le déroulement de la séquence

Je n’attends pas que l’ensemble de ces modules soient terminés pour enchainer sur le travail de collecte, mais, pour les trois fois où ce cursus a été mené, cela s’est passé à peu près au bout d’un an et demi d’études. L’exemple que je vous propose est celui de Sébastien Brebion, dernier en date à avoir passé son DNOP en 2019. Il a choisi le carnaval de Cassel. Le travail s’est déroulé comme suit :

  • Choix d’un thème concernant les traditions populaires et les pratiques musicales actuelles dans la région Nord-Pas-de-Calais. Sébastien s’est donc investi sur le carnaval de Cassel ;
  • Travail de collecte mêlant interventions sur le terrain sur la base d’un questionnaire préparé au préalable (interviews, comptes rendus précis de manifestations) et recherches sur les travaux déjà effectués de par le passé (documents écrits et sonores existants);
  • Collecte – reportage le jour de la manifestation avec un matériel vidéo pris en charge par un collaborateur ;
  • Réalisation d’un mémoire et d’un montage audiovisuel présentant la somme de cette collecte.

Le plan du mémoire est arrêté à l’avance. Je propose :

  • 1ere partie : un historique concernant « Cassel », « carnaval » et « géant ». Il s’agit d’un travail de lecture et de synthèse à partir de premières sources écrites que je fournis. Les informateurs locaux seront appelés à en fournir d’autres à la demande du collecteur. Il y intégrera également des extraits d’interviews ;
  • 2eme partie : collectage / reportage couvrant la journée du carnaval avec interviews. Cette partie reprend également nombres d’interviews réalisées au préalable lors de voyages à Cassel par le collecteur ;
  • 3eme partie : description des répertoires en insistant sur leurs mises en jeux dans la collectivité des participants.

Mon rôle, après avoir guidé les premiers pas, a été de reprendre les écrits de Sébastien là où des affirmations étaient posées sans s’appuyer sur une documentation variée, là où la signification d’une phrase était nébuleuse… bref sur les lacunes et incohérences de ses écrits. Je l’ai également guidé en partie dans le questionnement de ses collectes en regard des informations disponibles sur Cassel et dans d’autres manifestations avec géants ou d’autres carnavals… Je l’ai enfin encouragé à formuler de prudentes hypothèses tout en marquant bien les écarts entre collecte et enquête.

Entre cours, travaux écrits, déplacements et rencontres à Cassel, dépouillements des interviews, reportage une journée entière lors du carnaval, montage vidéo, Sébastien a travaillé près de 150 heures. Cette démarche n’aurait pu exister sans un cycle spécialisé comme le CEPI qui s’articule sur 750 heures au total (voir 3e chapitre de l’article http://pedagogie-des-musiques-traditionnelles.fr/?p=336 )

4.      L’épreuve

L’épreuve se passe devant un jury qui a reçu le mémoire 2 à 3 semaines auparavant. Le candidat diffuse et commente le montage vidéo réalisé lors de la journée de carnaval. Il le met en pause lorsqu’il le juge nécessaire afin de développer son discours. Le jury l’interroge ensuite sur la base du mémoire et de la présentation vidéo.

Voici les attendus tels que je les envoie au jury :

DNOP de musiques traditionnelles / épreuve de culture musicale

Un élève en CEPI (Cycle d’Enseignement Professionnel Initial), Sébastien Brébion, passe son module complémentaire de formation et culture musicale relative à une tradition de Flandre, Artois ou Hainaut, au choix. Il a choisi le carnaval de Cassel. Le travail est présenté d’une part sous forme d’un dossier en trois parties:

  • Historique concernant « Cassel », « carnaval » et « géant » ;
  • Collectage / reportage couvrant la journée du carnaval avec interviews ;
  • Descriptions des répertoires en insistant sur leurs mises en jeux dans la collectivité des participants.

Et d’autre part sous forme d’une vidéo synthétisant les temps forts de la journée et commentée par le candidat lors de l’épreuve devant jury.

Le dossier est envoyé au moins 15 jours avant l’épreuve et la soutenance se fait par la présentation de la vidéo et les questions qui suivent. Cette épreuve est l’une de celles qui concourent à la délivrance du DNOP (Diplôme national d’orientation professionnelle de musique). Le niveau est celui du baccalauréat. Ce n’est pas une épreuve d’ethnomusicologie.

Les attendus de cette épreuve sont:

  • La qualité du travail sur la partie historique qui est en fait un travail de synthèse entre plusieurs ouvrages et des interviews. Cette qualité se jugera sur la cohérence de cette synthèse et à travers d’éventuelles questions pour éclairer certains points;
  • La capacité à présenter à travers la vidéo une vision construite de la journée du carnaval par ses temps forts et comment ceux-ci sont traduits dans les représentations des participants;
  • La description des répertoires avec des présentations comparatives des mêmes thèmes ainsi que les pratiques liées à leur interprétation.

5.      Le mémoire

6.      La vidéo

J’ai due découper en quatre la vidéo, WordPress n’acceptant pas les fichiers au-delà de 64 Mb. L’original est bien sûr d’un seul tenant. Il est à noter que les commentaires de Sébastien, effectués lors de sa soutenance, ne sont pas enregistrés pour des raisons évidentes. Comme par ailleurs on ne comprend pas toujours les voix des témoins, Sébastien a retranscrit les interviews dans son mémoire. Deux bonnes raisons supplémentaires de le lire !

Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4

7.      Conclusion

Ce que je retiens de ces expériences (incluant les deux autres élèves), c’est l’enthousiasme de l’apprenant (le mot n’est pas trop fort) face à l’accueil très positif qui lui est réservé lors des rencontres diverses et face à l’immersion dans la journée de manifestation. Il est d’autant plus fort cet enthousiasme qu’il succède à la crainte de rencontrer des inconnus que l’on pense déranger, importuner. Et c’est tout le contraire qui se passe, les témoins étant heureux que l’on s’intéresse à leurs traditions ! Ce travail global, source de connaissances du mouvement des folkloristes, de la naissance de l’ethnographie… prends chair à travers cette collecte et cette immersion dans une tradition populaire forte. Et c’est pour moi l’objectif ultime et indispensable de ce projet.

Interpréter une source collectée: du chant à la cornemuse par Sébastien Brebion

1.    La démarche

            J’ai choisi d’enregistrer une interprétation du thème de « La mal mariée », collectée en 1964 dans le Berry auprès de M.Chédeau par les « Thiaulins de Lignières », Groupe d’Arts et Traditions Paysannes fondé par Roger Péarron. Il s’agit d’un thème récurrent dans la chanson traditionnelle; il évoque une jeune fille donnée à marier par son père à un homme riche contre sa volonté. Cette chanson a été collectée dans le cadre domestique.

            Le travail préalable à l’enregistrement a été d’analyser le collectage pour pouvoir saisir le phrasé du chanteur et identifier le mode de la mélodie. Ce n’est qu’une fois ce travail fait que j’ai pu  véritablement travailler mon interprétation.

J’ai choisi d’enregistrer la mélodie sur ma cornemuse 20 pouces à perce ancienne fabriquée par Nicolas Galleazzi https://www.cornemuses-galleazzi.com/ . Il s’agit d’un instrument possédant une perce différente des instruments « modernes » et permettant de jouer avec des doigtés alternatifs. Ces doigtés ont pour but de modifier la hauteur de certaines notes, un peu à la manière des violonistes ou des chanteurs. Il est important de noter que l’échelle générale de l’instrument est assez différente des cornemuses  « modernes ».

            Au niveau timbral, la perce de ma cornemuse apporte un peu plus de brillance en comparaison avec les perces « modernes ». Les bourdons quant à eux sont très présents et sont indispensables afin de faire sonner pleinement l’instrument.

            Pour ce qui est de la prise de son, la cornemuse a été enregistrée avec deux micros dynamiques: L’un pour le hautbois (prise de son vers le milieu) et l’autre pour le bourdon (prise de son par le dessous). Il s’agit ici d’une version de travail.

            Ces placements de micros ont fait l’objet de plusieurs essais et c’est cette solution qui a été retenue. Le mixage a été fait par mes soins, dans le cadre de ma formation en technique du son au Conservatoire de Calais. Il faut noter la présence d’une légère saturation sur le hautbois, qui j’espère, aura été corrigée (en partie) lors du mixage.             Mon interprétation se compose d’une première exposition proche du collectage, les notes mobiles effectuées à la voix sont également jouées à la cornemuse. La seconde exposition marque l’apparition des variations mélodiques; les degrés mobiles sont utilisés à d’autres endroits que sur la collecte. Enfin, sur la troisième exposition, je retourne à une interprétation proche de la collecte et un peu plus ornementée.

2.    L’analyse

            La chanson se compose de 3 couplets, comportant deux parties. Le mode est de type plagal avec une note de repos centrale, les trois degrés de la quarte inférieure et les trois degrés de la quarte supérieure. Chaque partie nous montre une fraction du mode:

  • La partie A évolue en arche, partant de la quarte inférieure pour monter jusque la tierce puis redescendre en bas. Le sixième degré n’est pas exposé.
  • La partie B met en valeur la quarte supérieure tout en se déployant sur la totalité de l’échelle : Le sixième degré renversé apparaît en note de passage.

            Le mode complet se constitue d’une quarte, d’une septième sous la tonique, d’une sixte en note de passage et d’une quinte renversée. Il comporte également deux degrés mobiles – mob dans la partie A. Je vais noter le mode ici essayant d’être le plus proche possible de la hauteur du chanteur (La note de repos du mode est notée en caractère gras):

  • Ré Mi Fa(mob) SOL La Sib(Mob) Do

            Nous pouvons noter que les degrés mobiles sont là où l’on trouve les demi-tons et donc les attractions. Ce sont ces attractions qui vont modifier la hauteur de ces degrés.

            Dans la partie A du morceau, on retrouve 4 degrés qui marquent des intervalles importants :

  • La quarte inférieure, en rapport direct avec le 1er degré, qui démarre et sur laquelle la partie se finit (Ré) ;
  • La note de repos finale du mode, sur laquelle on insiste au début (Sol) notamment par son rapport avec la quarte, quinte renversée ;
  • La septième qui est un degré mobile dans cette partie (FA). Elle est plus haute en début de phrase car attirée par le mouvement ascendant vers le 1er degré et plus basse en fin de phrase car attirée par la quinte renversée ;
  • Dans une moindre mesure, le Sib, la note la plus haute de cette partie, qui est l’autre degré mobile du mode (Cette note est un peu plus haute que la tierce mineure habituelle).

            La partie B peut se diviser en 2 phrases. Les deux degrés mobiles de la partie A sont fixes dans celle- ci.

            Dans la première phrase, on peut noter ces éléments importants:

  • Le 2e degré, La, qui commence et termine cette phrase. Il est à cette occasion en rapport de quinte avec le ré, quarte inférieure, qui échappe à ce moment à l’attraction du 1er degré ;
  • Le 1er degré, Sol, sur lequel on se repose en milieu de phrase ;
  • Le 4e degré, Do, qui est le point culminant du mode.

            Dans la seconde phrase, ces éléments importants également:

  • le Do, 4e degré qui affirme son effet d’aimantation vers le haut ;
  • La septième, le Fa qui est mise en rapport avec le Ré ;
  • La montée en arpège RE fa mi puis…
  • … La note de repos finale, le Sol.

3.    Mise en contexte par Michel Lebreton : le CEPI

Ce site étant dédié à la pédagogie et l’enseignement, je me permets de compléter le texte de Sébastien en précisant que ce sont des travaux auxquels il a été initié au cours de son cursus de CEPI (Cycle d’Enseignement Professionnel Initial) au CRD de Calais.

Loin de moi l’idée de ramener à moi sa contribution. Mais cette remise en contexte me parait nécessaire pour réaffirmer l’importance d’un cursus de formation pour les futurs professionnels. Le CEPI, cursus de 750 heures, était à la fois complet (pratiques instrumentales, collectives variées, culture musicale, collecte, le métier de musicien…) et ouvert (pratiques croisées jazz, musiques anciennes, contemporaines…). Ce type de cursus doit être aujourd’hui développé dans le même esprit (la lettre peut et doit évoluer) et ouvert sur tous les territoires.

Vous pourrez lire ci-dessous le détail du CEPI suivi par Sébastien avec les options qui lui sont personnelles.

CEPI – CRD du Calaisis / Sébastien Brébion / Michel Lebreton 2016-2019

Textes officiels. Sources: Cité de la musique

1- Module principal de pratique individuelle et/ou collective

Suivant l’aire culturelle concernée et le cas échéant avec la danse et dans la réalité sociale de cette pratique

  • Répertoire de l’aire culturelle choisie comme dominante
  • Variation et/ou improvisation
  • Techniques vocales spécifiques (pour les chanteurs)

2- Module associé de pratique individuelle et/ou collective

Suivant l’aire culturelle concernée et le cas échéant avec la danse et dans la réalité sociale de cette pratique

  • Répertoire d’une seconde aire culturelle proche de la dominante
  • Dans un autre répertoire

3- Module complémentaire de formation et culture musicale

  • Connaissance des sources patrimoniales, histoire et esthétique
  • Analyse et travaux d’écoute
  • Étude des formes de notation adaptées à l’aire culturelle choisie comme dominante
  • Accompagnement d’un travail de recherche sur un thème patrimonial

4- Une unité d’enseignement au choix dans la liste suivante

  • Pratique du collectage
  • Deuxième instrument ou chant (pour les instrumentistes)
  • Instrument (pour les chanteurs)
  • Pratique vocale ou instrumentale dans une esthétique spécifique
  • Accompagnement (instrument, chant ou danse)
  • Direction d’ensemble vocal et/ou instrumental
  • Écriture, création ou composition
  • Danse
  • Théâtre
  • Lien avec les musiques actuelles amplifiées ou le jazz ou la musique ancienne
  • Production et traitement du son
  • Mémoire sur un sujet de culture musicale
  • Réalisation d’une programmation ou d’une manifestation musicale dans le cadre d’une pratique amateur

Examen d’entrée au CRD du Calaisis

  • Un air à danser de l’aire culturelle (Berry)
  • Un air à écouter de l’aire culturelle (Berry)
  • Un air d’une autre aire culturelle
  • Restitution et interprétation sur l’instrument ou à la voix d’un extrait musical
  • Entretien avec le jury portant sur les motivations du candidat

PROGRAMME

La formation de 750 heures se déroule sur trois ans à raison de quatre heures hebdomadaires avec Michel Lebreton, une heure avec Renaud Hibon, complétées par la participation à certains projets du CRD (bals, master classes, ateliers de pratiques collectives, projets collectifs…) et une série de stages et modules de formations proposés par d’autres CRD de la région. Ce parcours est jalonné de contrôles continus qui consistent en travaux instrumentaux d’une part et en réalisations de dossiers thématiques d’autre part. Ces derniers sont essentiellement des synthèses  de cours augmentées de lectures. La réalisation de ces dossiers est aussi un encouragement pour  l’élève à se constituer une documentation sur la base de laquelle il pourra continuer à développer ses connaissances et sa réflexion par la suite. Une recherche théorique et pratique sur un terrain à choisir initie l’élève à un travail de collecte qui se concrétise par la rédaction d’un mémoire agrémenté d’un montage vidéo.

Les cours hebdomadaires sont découpés comme suit :

  • Trois heures consacrées aux domaines de la formation historique, culturelle et musicale (voir détails dans les pages qui suivent) ;
  • Une heure consacrée à l’étude appliquée sur la cornemuse de collectes du Berry, d’Auvergne et du Limousin ;
  • Une heure, avec Renaud Hibon, consacrée à la pratique des répertoires néo trad.

I- Pratique individuelle et collective :

Interprétation des répertoires du Berry sur la musette 16 pouces :

  • Savoir développer une interprétation puisant au plus près des jeux de musettes du Centre. S’appuyer sur l’écoute et l’analyse de documents sonores (collectes mais également réinterprétations récentes) ainsi que sur les rencontres avec des instrumentistes. Prendre en compte les phénomènes de reconstruction des modes de jeux en cours dans les pratiques actuelles afin de savoir opérer des choix clairs et motivés. Un travail sur le jeu de cabrette d’Auvergne sera mené dans ce sens ;
  • Savoir développer le jeu pour la danse en s’inspirant là aussi d’écoutes. Celles-ci puiseront largement dans d’autres pratiques instrumentales attestées par l’enquête et le jeu actuel (chant, violon, vielle à roue, accordéon diatonique…).

Variations et improvisations sur ces répertoires:

  • Savoir varier les thèmes par un développement ornemental ;
  • Savoir improviser sur un mode mis en situation dans une mélodie. Développer le travail formulaire, la mise en valeur des attractions, l’invention sur des appuis structurels de la mélodie en restant dans le mode. Plus généralement, savoir improviser dans un univers de monodie à bourdons.

Pratique polyphonique et création pour cornemuses :

  • Savoir créer une voix polyphonique sur un thème donné par un jeu improvisé ;
  • Noter les compositions ;
  • S’initier à la pratique des musettes 20 et/ou 23 pouces et composer pour trois voix au sein d’un trio. Composer également par l’écriture (utilisation possible de l’ordinateur). Comparer les résultats obtenus par une analyse des rapports entre les voix.

Danse :

S’initier à la pratique des danses constitutives de ces répertoires. Divers stages associatifs ainsi que deux moments annuels de formation au CRD offrent cette opportunité.

Création d’un groupe :

  • Constituer son propre groupe avec les musiciens et instrumentistes de son choix ;
  • Développer un jeu collectif pour la danse en prévision de prise en charges de bals ;
  • Mais s’essayer également à créer des structures et arrangements jouant sur les contrastes et ruptures dans un univers de musiques à bourdons. Proposer un concert thématique.

II- Module associé de pratique individuelle et collective:

(Sébastien a choisi l’Irlande et l’uilleann pipe comme seconde aire culturelle).

  • Développer la pratique de l’uilleann pipe, cornemuse irlandaise.  Des associations proposent des stages régulièrement (Na piobairi  et l’Association irlandaise sur Paris, Tamm Kreiz, Gan-Ainm en Bretagne… ainsi que des universités d’été telle celle de Tocane en Périgord) ;
  • Développer la pratique du ceilidh dans le cadre de l’atelier du CRD et de sessions sur la région ;
  • Compiler un dossier sur les musiques traditionnelles d’Irlande à partir de sources documentaires.

III- Formation et culture musicale :

Sources patrimoniales : mises en perspectives

  • Initiation à l’organologie et découverte générale de quelques grandes aires culturelles à travers l’Europe, l’Afrique et l’Asie en reliant organologie et pratiques socioculturelles des acteurs en présence ;
  • Les musiques traditionnelles d’Europe à travers le prisme de la cornemuse ;
  • Les pratiques musicales en Berry : pratiques de traditions populaires et naissance du mouvement folklorique.

Sources patrimoniales : écoute et analyse

  • Développer une analyse musicale s’appuyant sur des catégories pertinentes ;
  • Relier l’écoute aux éléments de connaissances fonctionnelles : pourquoi cette musique et cette pratique dans cette société, à ce moment-là ?

Du folklore à l’ethnomusicologie :

  • L’histoire du mouvement des collecteurs et des folkloristes. Les grandes collectes du XIXe siècle. De l’académie celtique au décret Fortoul. Le regard des lettrés sur les pratiques culturelles paysannes. Le cas du Berry ;
  • Formation de nos chansons folkloriques : Patrice Coirault ;
  • Du folklore à l’ethnographie : Arnold Van Gennep. Rites de passages et cycle des saisons ;
  • Les âges de la danse : Jean-Michel et Yves Guilcher ;
  • Initiation à la perspective ethnomusicologique à travers, entre autres, les travaux en Bourbonnais de Jean-François Chassaing et en Aubrac du CNRS dans le cadre de la RCP.

Les pratiques dans leurs contextes :

  • Choix d’un thème concernant les traditions populaires et les pratiques musicales actuelles dans la région Nord-Pas-de-Calais (guénels à Boulogne sur Mer, carnaval ou saint Martin à Dunkerque, géants de Cassel…). Sébastien s’est investi sur le carnaval de Cassel ;
  • Travail de collecte mêlant interventions sur le terrain sur la base d’un questionnaire préparé au préalable (interviews, comptes-rendus précis de manifestations) et recherches sur les travaux déjà effectués de par le passé (documents écrits et sonores existants);
  • Collecte – reportage le jour de la manifestation avec un matériel vidéo pris en charge par un collaborateur ;
  • Réalisation d’un mémoire et d’un montage audiovisuel présentant la somme de cette collecte.

IV- Unités d’enseignement complémentaires :

  • Participer à des ateliers de pratiques collectives présents au sein du CRD du Calaisis. En l’occurrence, deux ateliers jazz, une chorale, de la MAO, de la prise de son et deux stages d’improvisations ;
  • Sébastien a souhaité s’inscrire en guitare classique, cursus qu’il a continué à suivre par la suite. Il est à noter qu’il avait pratiqué plusieurs années la guitare jazz.

ÉPREUVES FINALES

  • Un concert de 30’ constitué, d’une part, de soli en grande partie autour des musiques du Berry, et d’autre part d’un jeu en groupe librement choisi. Une présentation de 5 minutes de musiques traditionnelles irlandaises, option de Sébastien, est incluse ;
  • La présentation d’un mémoire sur une tradition populaire en région.  Cette présentation s’appuie sur une vidéo. Elle est suivie d’un entretien avec le jury.

CONTRÔLE CONTINU

  • Auditions, bals ;
  • Participations à des projets divers ;
  • Analyse de chants francophones collectés en Berry, Auvergne :
    • Savoir les chanter avec le / la chanteu-r-se
    • En proposer une analyse tenant compte des spécificités dynamiques de la source ;
    • Savoir les transposer sur l’instrument en explicitant les choix opérés.
  • Reconnaissance et description sommaire d’enregistrements de musiques traditionnelles d’Europe (aire culturelle, organologie, type de pratique).
  • Rédaction en dehors des cours de dossiers de synthèses sur des sujets tels que : les violons populaires en Europe, les polyphonies vocales dans le bassin méditerranéen, les cornemuses à chalumeaux ou hautbois pluriels…

De la collecte à l’invention

Entre mi-septembre et fin novembre 2019, je proposais à l’un des ateliers de pratiques collectives, que j’encadrais alors au CRD du Calaisis, de développer des pistes d’inventions musicales en partant de la chanson « En revenant des noces ». Il s’agit de la version collectée auprès de Madame Juliette Péarron en 1960 à Saint-Hilaire-en-Lignières. Cette collecte s’inscrit dans la démarche initiée dès 1946 par les « Thiaulins de Lignières », Groupe d’Arts et Traditions Paysannes fondé par Roger Péarron (photo ci-dessous) https://contact3441.wixsite.com/thiaulins

L’enregistrement a été édité en 1977 par « Le Chant du Monde » dans un disque 33 tours dédié aux collectes en Berry des Thiaulins de Lignières. La direction artistique en a été assurée par Jean-François Dutertre. Vous pouvez en entendre un extrait ici : https://raddo-ethnodoc.com/raddo/discographie/3052

1.    Les musiciens

Présentons d’abord le groupe concerné. Ce sont des adultes ayant des expériences et niveaux de compétences très diversifiés. Certains évoluent dans les musiques dites « de classique à contemporain », d’autres dans les « musiques actuelles » en général, d’autres enfin dans les « musiques traditionnelles » plus spécifiquement.

Certains sont en début ou en fin de cycle 2, d’autres en cycle 3. D’autres enfin sont hors cycle, ayant terminé un cursus mais continuant à participer aux ateliers de pratiques collectives.

Les participants sont :

  • Une violoniste et une violoncelliste qui jouent par ailleurs en orchestre amateur. La violoniste s’est inscrite récemment en violon traditionnel et la violoncelliste pratique également le violoncelle baroque ;
  • Une flûtiste traversière qui joue de même en orchestre et harmonie ;
  • Une accordéoniste qui interprète des musiques populaires variées ainsi qu’un peu de jazz ;
  • Une harpiste qui joue sur harpe celtique et qui est handicapée partiellement d’une de ses mains ;
  • Un flûtiste serbe qui réside à Calais et a rejoint l’atelier qui lui procure une occasion de jouer de sa flûte à conduit traditionnelle : une frula ;
  • Une cornemusière qui a arrêtée en fin de cycle 1 pour raison de santé et a repris il y a peu ;
  • Un cornemusier qui termine son cycle 2.

Seuls les cornemusiers sont donc en cursus.

L’atelier est hebdomadaire et dure 1 heure. Parallèlement au travail présenté, nous avons aussi utilisé ce temps pour répéter des airs présentés en public en décembre.

2.    Le projet

J’ai présenté au groupe le projet qui s’articule en quatre objectifs :

  • Découvrir la chanson collectée et les actions des Thiaulins de Lignières ;
  • Explorer et mettre en place deux règles d’improvisations proposées par mes soins ;
  • Travailler collectivement la matière sonore de bourdons afin qu’ils soient vivants, évolutifs dans leurs densités, leurs grains, leurs dynamiques… Pour cette notion de « bourdons vivants », je vous renvoie à l’article « Murailles et lisières traversant le temps et l’espace du conservatoire » et à la vidéo qui se trouve à la fin http://pedagogie-des-musiques-traditionnelles.fr/?p=310 La même chanson y est source d’invention collective ;
  • Chercher et mettre en place collectivement une interprétation de la mélodie sur les instruments en y incluant les bourdons et le jeu improvisé. Le chant peut y avoir une place, mais la tonalité des cornemuses (voix alto) ne le facilite pas.

C’est donc un projet qui est proche de celui développé avec les étudiants en CEPI que vous pouvez voir et entendre dans la vidéo indiquée ci-dessus. Mais il s’agit d’un public amateur qui a des compétences en improvisations moins ou pas développées.

3.    Prise de contact

Nous avons d’abord écouté la chanson. J’ai utilisé le 33 tours sur la platine dont je disposais depuis peu. L’objet a son importance : il devient le marqueur d’une époque « autre » et ouverture potentielle vers un « inconnu ».

Je ne présente jamais auparavant un enregistrement proposé à l’écoute. Je demande seulement à l’auditoire d’écouter et d’imaginer la personne que l’on entend, le cadre depuis lequel elle nous transmet sa chanson. A cela s’ajoute la consigne de s’attacher à l’histoire véhiculée tout du long. C’est donc une écoute essentiellement subjective qui s’attache à créer un imaginaire, lien potentiel de contact avec « ces vieux enregistrements qui craquent » et « ces musiciens qui ne jouent pas très juste ».

Après un échange collectif complété d’informations que je distille au fur et à mesure, je propose de réécouter cette chanson afin de mieux en saisir le récit. C’est aussi l’occasion de le mettre en parallèle avec celui de « la claire fontaine ». Enfin, nous apprenons par cœur le texte des premières strophes et essayons de les chanter pendant la diffusion du disque. Le but est de s’attacher aux phrasés, débits, intonations de Mme Piérron. Je ne cherche pas une reproduction servile mais plutôt une consigne poussant l’écoute plus avant.

Après cette séance, j’envoie par mail le son de la chanson ainsi que les paroles.

4.    Prise de contact 2

La semaine suivante, nous réécoutons la chanson une fois puis je propose de la chanter dans son intégralité avec Madame Piérron. Celles et ceux qui l’ont réécouté chez eux entraineront le groupe en avant. Le premier essai se fait avec le texte en cas de besoin. Les autres essais, au fil des semaines, se font de mémoire.

Je demande ensuite à être attentif aux finales de chaque strophe. Certains font la remarque que la durée de la respiration qui suit la dernière note varie quelque peu selon les strophes. Je demande à ce que nous fixions la durée de cette note finale afin de pouvoir jouer ensemble. C’est une occasion parmi d’autres de pointer les libertés rythmiques du jeu soliste que ne permet pas (ou moins) le jeu collectif. Nous nous arrêtons sur une durée de trois pulsations.

L’allant de cette chanson étant régulier et vif, elle peut devenir porteuse de danse. Afin de s’imprégner du rythme et du phrasé, je propose donc de mettre en place un rond chanté dont je créée les pas en m’inspirant de ceux des branles de la Renaissance tels que la pratique contemporaine les a remis en usage à partir de l’interprétation de l’Orchésographie (voir http://www.graner.net/nicolas/arbeau/index.html ). Cela donne un branle coupé comme suit :

Partie A : Dg Sd Sg Dd Sg Sd

Partie B : Dg Dd 2 pieds en l’air

Il faut lire :

  • Dg : double à gauche
  • Sd : simple à droite

C’est évidemment un choix personnel qui n’engage que moi !

J’ai ensuite proposé de transposer cette mélodie sur les instruments. Le choix de la hauteur (voir partition) a été dicté par les cornemuses 16 pouces à bourdons de sol. Je précise que je n’ai donné la partition à aucun moment.

5.    Éléments d’analyse

Une fois la mélodie défrichée, il a fallu commencer la recherche d’une mise en place collective : la difficulté s’est concentrée sur les fins des deux parties. La tenue des trois pulsations suivies d’une levée a été délicate à mettre en place comme souvent lorsque l’on ne tient pas deux ou quatre pulsations. Le chant a aidé à intérioriser ce passage qui reste cependant à travailler.

J’ai ensuite proposé de repérer quelques éléments structurels afin de guider nos improvisations :

  • Nommer la finale, 1er degré du mode et note de repos (ici SOL) ;
  • Nommer le 5e degré, degré d’aimantation (ici RE) ;
  • Décrire le mouvement mélodique de la 1ere partie : 1 tierce au-dessus du 5e degré et une tierce au-dessous, soit :     
    • RE mi fa
    • RE do sib
  • On peut noter que ces phrases sont construites autour du RE et se terminent en suspension sur le 3e degré (Sib) ;
  • Décrire le mouvement mélodique de la 2e partie : descente du 5e vers le 1er degré ;
  • Enfin, noter qu’il n’y a pas 2e degré (LA).

Ces éléments sont en quelques sortes la carte d’identité modale de cette mélodie et c’est en nous l’appropriant que nous allons structurer nos improvisations.

Nous avons exploré l’architecture du mouvement de la 1ere partie, tout d’abord en QR entre moi et le groupe. J’ai donc proposé à ce stade des phrases articulées autour du 5e degré (RE) en utilisant les deux tierces (RE mi fa / RE do sib) pour construire des mouvements mélodiques. Chacun a ensuite proposé son mouvement sur la même règle. Cet espace mélodique sera celui de l’improvisation.

Nous avons enfin écouté et commenté l’enregistrement réalisé par des musiciens en CEPI sur la même règle. Cela a été l’occasion de définir comment ils gèrent ensemble les bourdons de 1er et 5e degrés. http://pedagogie-des-musiques-traditionnelles.fr/?p=310

6.    Improvisations

a.    Échelle fa mi RE do sib

J’ai proposé de nous entrainer en produisant une courte improvisation chacun son tour sur le cercle. Dans un premier temps ces productions se font sans rythme mesuré sur un tempo lent propre à chacun. Les musiciens produisent au choix un bourdon de 1er ou 5e degré et ne le quittent qu’au moment de leur solo improvisé.

Nous avons ensuite fait évoluer la règle vers une improvisation sur un rythme régulier et une carrure de 8 pulsations. Les musiciens se sont d’abord entrainés sur le cercle. Puis j’ai proposé de créer des duos de leur choix :

  • Dans chaque duo un musicien A et un musicien B ;
  • Le musicien A produit son improvisation sur une carrure de 8 pulsations ;
  • Le musicien B enchaine la sienne sur 8 pulsations également ;
  • Le A rejoue suivi du B ;
  • Pendant ce temps, les autres musiciens tiennent les bourdons ;
  • Le jeu passe au duo suivant.

b.   Bourdons vivants

J’ai proposé par ailleurs de travailler la matière du bourdon dans le sens d’un BOURDON VIVANT. C’est-à-dire une masse sonore constituée des 1er et 5e degrés mais évolutive comme un organisme vivant. Chaque musicien a cherché des variations d’intensités, d’octaves, de timbres… J’ai indiqué 3 types de placements pour chacun dans la masse des bourdons :

  • En arrière-plan par la simple tenue de l’un des bourdons sur une intensité peu élevée ;
  • En passant quelques instants en avant-plan par un crescendo-decrescendo, une brève impulsion… ;
  • En produisant un court événement qui ressorte du paysage sonore global.

Tout ceci se fait en réaction de chacun aux autres musiciens avec comme consigne : être en complémentarité ou être en rupture.

Ces deux travaux d’improvisations ont évolué, les musiciens les plus autonomes produisant des phrases et des événements bourdonnants variés, les autres s’attachant à rester dans le jeu quitte à produire des paraphrases de la mélodie.

7.    La structure

Plusieurs structures proposées par les musiciens ont été testées. Il fallait organiser ensemble bourdons, thème, improvisations non mesurées et improvisations mesurées en duo.

Le choix final s’est structuré sur deux parties, deux atmosphères :

  • 1ere partie : rythme libre et lent. Bourdons collectifs. Les improvisations s’enchaînent aléatoirement. Le 1er soliste, désigné à l’avance, passe le relais à qui il le souhaite et ainsi de suite ;
  • Cette partie se termine par l’exposition du B de la mélodie par l’un des cornemusiers ;
  • la mélodie est interprétée deux fois en tutti.
  • 2e partie : rythme mesuré et tempo de la mélodie. Bourdons collectifs. Des duos constitués improvisent. Chaque musicien produit alternativement 2 phrases d’une carrure de 8 pulsations chacune ;
  • Deux duos improvisent l’un après l’autre ;
  • Pont : des musiciens désignés auparavant exposent la partie B ;
  • Les deux autres duos improvisent ;
  • La mélodie est reprise deux fois pour terminer. L’orchestration de ce final n’est pas arrêté.

Voici l’enregistrement commenté par écrit, le tout sous forme de vidéo. La semaine suivante, nous avons retravaillé la matière des bourdons, puis avons terminé là notre collaboration. Attention : il y a malheureusement des parasites dus à un connecteur son défectueux.

8.    Reprise de la 1ere partie

L’atelier a refait deux essais uniquement consacrés à la 1ere partie, toujours en se passant le relais par le regard. Des remarques faites lors de l’audition du filage de la semaine précédente ont mis en avant la nécessité :

  • Que chacun prenne le temps d’installer un climat dans le mode retenu ;
  • Que les tuilages soient marqués, matérialisant ainsi le passage de relais et créant une tension entre deux improvisations solistes ;
  • Que les bourdons soient plus variés dans leurs expositions.

Le 1er enregistrement rend compte d’un temps musical lent et habité par des propositions qui se diversifient. Les tuilages manquent encore parfois d’intention, d’affirmation et les bourdons restent trop en retrait tout du long. A l’écoute du final vous entendrez les deux cornemuses perdant le fil de la musique. Le groupe a discuté et proposé de renforcer ce passage   : la 1ere cornemuse termine son improvisation en entretenant la pédale de RE pendant que la seconde enchaine le final de la mélodie. Le climat de cette 1ere partie est cependant plus construit collectivement que lors du filage précédent.

Le 2e enregistrement, réalisé après évaluation collective du précédent, nous donne à entendre un ensemble plus à l’écoute et un climat d’une plus grande cohérence par rapport aux trois points ci-dessus.

9.    Collecte et invention

Ce projet de musicien (s’imprégner, interpréter, explorer, improviser, organiser le temps musical) a suscité une grande satisfaction chez les participants au vu des derniers résultats. Il y a ce sentiment d’exprimer au mieux ce qu’il y a en chaque individu tout en construisant collectivement.

Pour ma part, j’y ajouterai l’occasion de partir à la rencontre de sources collectées et de la culture qui les a portées, tout en les plaçant dans une dynamique d’invention. Il n’est alors plus question de « ces vieux enregistrements qui craquent » et de « ces musiciens qui ne jouent pas très juste ». Mais tout simplement de musiciens du passé qui peuvent nous passionner et nous émouvoir.