Michel Lebreton
Département de musiques traditionnelles
CRD DE CALAIS
Le bal folk est devenu l’une des manifestations les plus emblématiques concernant la pratique des musiques traditionnelles en France et au-delà. J’en organise deux par an dans le cadre du département de musiques traditionnelles du CRD de Calais. Traversant la diffusion de ce type de pratique, un projet de formation sous-tend la venue de chaque groupe. Je leurs demande en effet d’accueillir sur scène, le temps d’une danse, un ou plusieurs apprenants autour de leur répertoire propre.
Le groupe envoie un choix de mélodies de différentes difficultés à peu près deux mois avant le bal. Les formats sont variés, les enregistrements étant privilégiés pour s’imprégner du son des musiciens. Enseignants et apprenants écoutent ces mélodies, des choix se font et l’appropriation commence. Pour participer, il faut au minimum pouvoir interpréter la mélodie dans la fourchette de tempi dansables. Le samedi du bal, le groupe, les enseignants et les apprenants se retrouvent collectivement pour une répétition – découverte de 14h00 à 16h30 – 17h00. Un stage de week-end est parfois organisé en amont en fonction des possibilités budgétaires. Au-delà des répertoires, chaque groupe de bal gère à sa façon ce(s) moment(s) (qui est-sont souvent une découverte pour lui-même), alternant jeu collectif, individuel, propositions de structures, chant, danse… avec apprenants et enseignants du CRD. C’est en soi un beau moment de formation, les musiciens invités s’investissant de l’accompagnement des apprenants, ceux-ci découvrant des façons de faire à chaque fois plus ou moins différentes. Le soir arrive, et chacun intervient sur scène au sein du groupe, devenant membre invité le temps d’une danse.
Ce type de projet est né en 1996 au sein de Cric Crac Compagnie (voir http://www.criccraccie.com/) dont je suis, avec Thibaut Alavoine et Patrice Gilbert, l’un des fondateurs. Je l’ai ensuite redéployé au CRD de Calais à partir de 2000. Cric Crac Compagnie continue de développer cette formule en proposant deux stages préalables.
Les situations musicales sont à géométrie variable, selon les apprenants et les musiciens invités :
- Certains apprenants jouent « soliste » au sein du groupe, devenant ainsi le xème membre. Ce cas s’adresse aux musiciens jugés (par eux et par moi) suffisamment autonomes pour vivre cette situation. Ce jugement se base sur le suivi et la connaissance mutuelle ainsi que sur des critères relatifs à la pratique instrumentale comme à la relation à l’autre et au public sur scène. Il y a bien sûr une part de pari…
- D’autres interviennent mais en doublon ou petits groupes afin de s’appuyer les uns sur les autres et se rassurer mutuellement.
- Des moments de grands collectifs peuvent avoir lieu si le groupe invité propose ce type de démarche.
Nous avons rencontré en quinze ans les cas de figures les plus variés, allant du jeu individuel sur des airs traditionnels du Berry, d’Auvergne… avec les Musiciens de Saint Julien, au jeu collectif avec harmonisation et improvisation sur grille avec Toc Toc Toc, pour citer deux exemples très différents. C’est à chaque fois une nouvelle rencontre avec la culture musicale de chaque groupe, leurs choix par rapports aux sources, leurs démarches de créations. Cela va donc bien au-delà de jouer en bal, car chacun se confronte avec la variété des pratiques qui se développe aujourd’hui. C’est de plus un vécu qui permet d’alimenter réflexion et débats sur les pratiques actuelles.
J’ai parfois pensé suspendre cette action mais les avis des apprenants sont unanimes : malgré le trac ou le stress, ils en redemandent et attendent avec gourmandise ces deux rendez-vous annuels. Ils ont joué et jouent avec des groupes aussi variés que Auvergnatus, Marc Perrone, Topanga, Carré de deux, le Vrai Trio, Maubuisson, Shillelagh, Smitlap, Toc Toc Toc, Les musiciens de Saint Julien, la Ziguezinzon, Ormuz, le bel après-midi, Guillaume Lopez collectif… Autant d’expériences nourrissant la diversité des pratiques et la réflexion sur sa propre pratique.
Michel Lebreton
Le xème membre des Musiciens de Saint Julien (2008)
Quatre cornemuseux s’épaulant les uns les autres lors d’un bal avec Shillelagh (2010)
L’ensemble des cornemuses (hors cadre à gauche), l’ensemble de violons et un chœur d’une classe de FM lors d’un bal avec le Bel Après-Midi (2013).
Des musiciens apprenants jouant cuivres et bois (en partie hors champ à gauche), cornemuses et violons (trad. et classique à contemporain) lors d’un bal avec la Cuivraille (2019).
Une réflexion sur « Bal folk: rencontres en scènes »